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| L'Hôpital public Aghios Pavlos |
Depuis
le début de la crise, la situation médicale en Grèce se dégrade au
rythme des injonctions de la Troïka (BCE, Commission européenne, FMI) et
des réductions des dépenses de santé de l’Etat. Le gouvernement a prévu
de restreindre cette année les dépenses de santé à 7 milliards d’euros,
celles-ci ayant atteint 10,6 milliard d’euros en 2009. Résultats:
fermeture de cliniques locales, réduction du nombre d’hôpitaux, du
montant des subventions publiques, diminution de budget de traitement
pour certaines maladies, etc; on joue sur tous les tableaux. Les
hôpitaux et cliniques n’ont parfois d’autre choix que de fermer ou de
stopper temporairement et/ou partiellement leurs activités en raison
d’un manque de personnel ou de matériel. Il arrive également que
certains hôpitaux se retrouvent déclassés au rang de centres de santé en
raison de leur trésorerie vide, rapporte le site d’informations grec agelioforos.gr.
Plus de patients, moins de matériel
Au sein des
établissements publics, les versements du gouvernement s’amoindrissent
de jour en jour et ne couvrent plus aujourd’hui les dépenses
nécessaires. Il s’agit avant tout d’adapter le matériel aux fonds
disponibles en maîtrisant l’art de la débrouille : acheter les produits
les moins chers, faire preuve d’ingéniosité pour s’arranger avec
l’équipement disponible même si celui-ci n’est pas toujours adapté,
emprunter du matériel à d’autres hôpitaux, retarder les investissements
les moins urgents. Parfois le personnel est même contraint d’acheter
lui-même ses propres équipements de base tels que des gants, des
produits de nettoyage etc. Quand ce ne sont pas les proches des patients
qui doivent se rendre en pharmacie pour acheter du coton, du
désinfectant, des gants voire des médicaments. En effet, depuis quelques
temps déjà, des entreprises de médicaments ont tout bonnement cessé les
livraisons dans certains hôpitaux ou pharmacies qui n’étaient plus en
mesure de payer depuis parfois plusieurs mois. La pénurie de certains médicaments s'aggrave de jour en jour.
Au même moment, les hôpitaux publics
doivent faire face à un accroissement du nombre de leurs patients. Une
partie des personnes qui avaient l’habitude de fréquenter les cliniques
privées se dirigent dorénavant vers les établissements publics qui
dispensent la même qualité de soins (pour un prix bien plus faible, un
temps d’attente plus élevé, un confort des chambres moindre,
l’impossibilité de choisir son médecin).
Le personnel hospitalier victime des restrictions budgétaires
Son nombre est en recul au sein de
chaque établissement public de soins en raison du non remplacement des
départs à la retraite, tandis que les rémunérations ont subi une baisse
considérable. Le docteur Papageorgiou, que j'ai rencontré à l’hôpital
universitaire AHEPA, me raconte comment son salaire a été divisé par
deux, passant de 4 000€ à 2 000€. Il semble néanmoins conscient que son
revenu n’est pas le plus à plaindre par les temps actuels et s’inquiète
davantage de la situation des infirmières de l’hôpital dont les salaires
tombent trop souvent en dessous de la barre des 1 000€. De plus, le
paiement des heures sup (pouvant représenter l’équivalent de six jours
de travail par mois), qui compensent le manque de personnel, est très
souvent différé de plusieurs mois. Le docteur Loizou, de l'Hôpital
Aghios Pavlos, s’attriste de ne plus pouvoir participer à des congrès
médicaux par manque d’argent. Afin de se tenir au courant des
innovations et des progrès en la matière, elle n’a d’autre choix que de
s’informer sur internet ou via les magazines spécialisés.
Les médecins sont de plus en plus nombreux à quitter le pays. « En trois mois, trois de mes amis proches, docteurs eux aussi, ont déménagé à l’étranger », me raconte le docteur Loizou. « Je te laisse imaginer la quantité des départs au total. »
Des organismes d’assurance maladie en déficit
Pharmaciens et médecins, assommés par
les baisses de salaires, les augmentations des taxes et la tutelle
qu’installe le gouvernement, rencontrent également des problèmes avec certaines caisses d’assurance maladie
qui ne les ont pas payés depuis plusieurs mois. Ainsi les médecins du
secteur privé affiliés à l’organisation nationale des services de santé
(EOPYY) – structure très déficitaire résultant de la fusion en début
d’année de plusieurs organismes d’assurance maladie – ne veulent plus
apporter leurs services à crédit. L’organisme leur serait en effet
redevable de 350 millions d’euros. De même, certaines pharmacies
refusent désormais de délivrer des médicaments aux patients qui ne sont
pas en mesure de les payer directement de leur poche. Les médecins ont
d’ailleurs pris l’habitude de ne pas préciser la marque du médicament
sur leurs ordonnances afin de permettre aux patients de choisir celle
dont le prix leur conviendra.
L’accès aux soins : un droit pour tous ?
Selon une enquête menée par le bureau de
coordination générale de la médecine familiale à l’université de
Patras, les Grecs sont de plus en plus nombreux à éviter les soins
paramédicaux (prises de sang, échographie, scanner etc.) par manque
d’argent, ou a réduire les consommations de bases (nourriture, vêtement,
chauffage) afin de suivre les traitements médicaux qui leur sont
nécessaires.
La situation est encore plus inquiétante
en ce qui concerne les personnes, de plus en plus nombreuses, qui n’ont
pas suffisamment d’argent et ne possèdent aucune couverture maladie (de
plus en plus de chômeurs et de retraités). Celles-ci ne peuvent donc
être prises en charge nulle part. Selon Médecins Sans Frontières et
Médecins du Monde, leurs centres humanitaires d’urgence situés en Grèce
sont de plus en plus fréquentés par les Grecs
eux-mêmes à la recherche de soins et de nourriture. En parallèle, une
infirmière que j’ai rencontrée m’explique qu’afin de venir en aide à ces
non-assurés, des personnes du corps médical s’organisent. Ils louent
des locaux, se procurent du matériel et leurs offrent des soins
bénévolement.
Les dons à la rescousse
Certains services continuent néanmoins à
fonctionner correctement grâce aux dons qui permettent de pallier les
baisses et les retards des subventions de l’Etat et de financer le
fonctionnement des laboratoires. C’est notamment le cas des services
dispensant des soins que les malades ne peuvent éviter de suivre même en
temps de crise. Le docteur Papageorgiou m'explique la situation dans
son service. Il est directeur du département d’Hématologie et Oncologie
pédiatrique, autrement dit, il traite les cancers et les maladies du
sang de l'enfant. « Dans mon département, nous ne connaissons
presque pas la crise. Notre dernière acquisition est un
échocardiographe, elle date d’il y a quelques jours à peine. » Le
docteur me précise que son service reçoit beaucoup de donations de
sociétés privées qui l'aident aujourd’hui à fonctionner bien davantage
que les aides de l’Etat.

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